samedi 26 avril 2014

Le Temps, mardi 1er avril 2014 "Les enfants placés réclament leur dû"

"Initiative Un fonds de 500 millions devrait être créé pour les victimes placées de force jusque dans les années 80
Le débat qui s'annonce sera douloureux
(...) Pour les victimes de tels placements dits administratifs, les excuses et la reconnaissance du tort subi ne suffisent pas. Elles lancent une initiative qui demande également une réparation financière. (...) Leur démarche est portée par Guido Fluri, entrepreneur zougois, mécène et président de la fondation qui porte son nom. Il a constitué un comité composé de différents partis et organisations de concernés. L'initiative demande la création d'un fonds de réparation doté de 500 millions. Un chiffre qui ne doit rien au hasard. Les initiants estiment qu'environ 20 000 personnes en Suisse ont été gravement lésées. Elles pourraient toucher en moyenne 25 000 francs, mais le montant serait déterminé par une commission indépendante en fonction de la gravité de l'injustice subie. Guido Fluri rappelle que la tradition humanitaire suisse rayonne dans le monde entier. 'Il est temps de le montrer envers ses citoyens', estime-t-il. Mise en place par la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, une Table ronde pour les victimes de mesures de coercition à des fins d'assistance prévoit elle aussi d'instituer un fonds de solidarité. Ses travaux ne sont pas terminés et la base légale doit être élaborée d'ici à la fin de l'année. Mais il est plutôt question de verser un montant identique pour toutes les victimes. Des organisations les représentant au sein de cette Table ronde ont avancé la somme de 120 000 francs, qui tiendrait compte du manque à gagner de toute une vie, ce qui porterait le fonds à près de 2,5 milliards. Membre de la Table ronde, la conseillère nationale Ursula Schneider Schüttel (PS/FR) parle de deux démarches complémentaires. 'Le but est qu'à la fin du processus, il y ait un fonds convenablement doté. Si la loi est refusée par le parlement, il restera l'initiative sur laquelle les citoyens pourront se prononcer. Si la loi est acceptée et qu'elle nous convient, l'initiative peut toujours être retirée', explique-t-elle. Au parlement, les élus ont soigneusement évité d'aborder l'aspect financier dans la loi sur la réhabilitation des personnes placées par décision administrative, acceptée récemment. Par crainte d'un rejet. Conseille au Etats, Joachim Eder (PLR/ZG) pense que le vent va tourner et parle d'une question 'éthique et morale'. Et pour lui, la manière de répartir ce fonds ne doit pas être un frein. 'On trouve toujours un moyen lorsqu'il s'agit de formation, d'agriculture ou d'asile', estime-t-il. Pour Luc Recordon (Verts/VD), il y va de la dignité d'un Etat de reconnaître ses torts'. Il reconnaît que l'avarice traditionnelle du parlement pourrait l'emporter. 'Mais je suis optimiste. Il faudra insister sur la force symbolique de cette indemnisation à l'aune des souffrances endurées. Et sur le fait que les 500 millions demandés par l'initiative ne représentent que un douzième du fonds ferroviaire.'"

"Commentaire Injustice et frustration
A combien se chiffrent les souffrances d'un enfant placé abusivement? Et combien sont-ils à avoir droit à une indemnisation? La Suisse n'échappera pas à un douloureux exercice de comptabilité. Elle va devoir regarder son passé, ouvrir ses registres et régler la note tendue par ces anciens garçons de ferme, enfants arrachés à leurs parents ou jeunes internés sans jugement dans des établissements fermés.
Mais les victimes de mesures de coercition à des fins d'assistance assisteront, probablement impuissantes, à un grand marchandage politique sur le montant de la réparation et les critères d'attribution. Car après les témoignages, viendra le temps des questions et des doutes sur les preuves, les responsabilités, les degrés de maltraitance. Tous les enfants placés n'ont pas été abusés, certains l'ont été plus que d'autres. Il y a ceux qui témoignent, réclament leur dû, et ceux qui veulent oublier et ne frapperont jamais à la porte de la Chaîne du bonheur. Il y a ceux qui vivent, ceux qui ont déjà disparu. Ceux qui entreront dans le cadre et ceux qui en seront exclus alors qu'ils ont subi les mêmes abus. Le doute ne justifie pas que la Suisse se défile. Mais au terme de l'exercice, la frustration des victimes pourrait être à la hauteur de leurs attentes."

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