lundi 9 juin 2014

Article du lundi 9 juin 2014, 24heures, "Les enfants placés doivent être dédommagés"

"INITIATIVE "Les enfants placés doivent être dédommagés"

Une fois n'est pas coutume, les journalistes n'étaient pas seuls à Berne pour assister à la conférence de presse du comité interpartis pour le lancement de l'initiative dite "sur la réparation" qui réclame une réparation financière pour les enfants placés de force ou ayant subi un internement abusif. (...) 

Le texte demandant la création d'un fonds de 500 millions de francs va être lancé. (...) Elles recevraient quelque 25'000 francs par personne. L'initiative est soutenue par des élus de toutes les formations politiques sauf l'UDC. (...)

L'initiative "sur la réparation" est chapeautée par la fondation Guido Fluri, lui-même victime de placement pendant son enfance. "Dans leur enfance et leur jeunesse, parfaitement innocents, ils ont été atteint dans leur intégrité physique, morale et sexuelle. Ces personnes ont été privées de tout droit au bonheur, à l'égalité et à l'épanouissement de leur personnalité. Et cela en Suisse, berceau de la démocratie et pays exemplaire de la justice sociale", a-t-il déclaré. (...) 

Le conseil fédéral a présenté ses excuses aux intéressés pour les souffrances endurées, tandis que le Parlement a réhabilité moralement les personnes placées par décision administrative. Cependant, la plupart des victimes, fortement traumatisées et gravement lésées, n'ont obtenu jusqu'ici aucune réparation financière, s'insurgent les représentant du comité d'initiative. 

L'initiative demande à la Confédération de créer un fonds doté de 500 millions en faveur des victimes des mesures de coercition prises jusqu'en 1981. Les moyens seraient attribués selon la gravité de l'injustice subie, par une commission indépendante. Le texte exige aussi une étude scientifique approfondie et un débat de société sur ce plan sombre de l'histoire suisse.

"Le fonds n'enrichira personne, mais cette réparation, combinée avec l'étude du passé, pourra alléger la détresse des personnes concernées, qui vivent souvent en marge de la société", a dit Guido Fluri.

Par ailleurs, l'initiative réclame une étude scientifique pour mieux comprendre ce chapitre sombre de l'histoire suisse. Au niveau international, beaucoup d'argent a été dépensé pour le traitement des cas d'abus scientifique, a relevé Ueli Mäder, professeur de sociologie de l'Université de Bâle. Ainsi en Allemagne, les anciens enfants placés dans des foyers vont toucher 320 millions d'euros, les USA ont déjà payé 2 milliards de dollars pour 10'000 victimes d'abus sexuels. Enfin, en Irlande, l'Etat et l'Eglise ont versé 1,2 milliard d'euros après des mauvais traitements commis par des prêtres.
"L'étude scientifique de ce chapitre de notre histoire et un vaste débat social sont tout aussi importants que la réparations financière", a souligné le sociologue. Il a rappelé que les autorités ont souvent mis les archives sur ce sujet sous scellés.
"Attirer l'attention sur le fait que nous sommes tous concernés atténue le sentiment de culpabilité personnelle que ressentent fortement les victimes qui vivent souvent des situations d'isolement et qui sont souvent socialement défavorisées".

Dès cet été, un fonds d'aide immédiate géré par la Chaîne du bonheur attribuera un premier coup de pouce aux personnes en détresse financière. Mais il ne sera alimenté qu'à raison de 5 à 8 millions par des loteries cantonales et d'autres institutions.
Une table ronde réunissant les milieux intéressés sous *l'égide de la Confédération prévoit d'attribuer ensuite une réparation financière plus conséquente. Mais un fonds nécessite des bases légales et au Parlement, il ne se trouverait aucune majorité pour une telle solution, a relevé la conseillère nationale Jacqueline Fehr (PS/ZH).

L'initiative populaire est donc un moyen de faire pression au travers de la population et d'empêcher l'échec du processus législatif, selon elle. "Nous devons éviter que les victimes se retrouvent en fin de compte privées de toute aide".
Et Ursula Haller (**PBD/BE) de rappeler que l'Union suisse des paysans a refusé de participer au financement des mesures de réparation immédiate, alors même que nombre d'enfants ont été placés dans des fermes pour y être exploités.
Même si la plupart des abus sont juridiquement prescrits, la responsabilité de l'Etat et de la société de faire face à cette injustice demeure, a jugé le conseiller aux Etats Joachim Eder (***PLR7ZG). "Au titre de ****l'équité historique, la réparation financière est le moyen éprouvé et le plus efficace de reconnaître les erreurs". Le temps presse, beaucoup de victimes sont âgées, a ajouté son collègue Luc Recordon (Verts/VD). Pour lui, "une réparation des torts n'est pas seulement une question de justice élémentaire, mais aussi de décence"."

*égide: bouclier
**PBD: parti bourgeois démocratique (centre-droite)
***PLR: parti libéral-radical
****équité: impartialité

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